eurêka !

Publié le par armand tardella

Si le SELSQY distribuait de la monnaie locale aux adhérents, fallait-il qu'il rembourse sa dette ?

 

Ce n'était a priori pas nécessaire. Lorsque les Etats faisaient encore fonctionner la planche à billets, ils créaient de la monnaie sans jamais rembourser quoi que soit. Par contre ils prenaient le risque de voir apparaître de l'inflation dont certains disent que c'est très néfaste pour l'économie. Mais dans un SEL de quelques dizaines, voire centaines d'adhérents, pouvaient-on voir apparaître de l'inflation ? S'arracherait-on des cours d'anglais à 10000 pavés la minute si l'on avait suffisamment d'argent pour cela ? Probablement pas. Donc, nous pouvions très bien ne pas chercher à rembourser cette dette. D'ailleurs, plus tard, différents SEL ont aussi distribué de la monnaie locale aux adhérents  pour les mêmes raisons que le SELSQY en choisissant délibérement de ne pas rembourser. C'est la théorie du puits sans fond. Cela n'a pas posé de problème.

 

Cependant, mon passé de physicien, une fois encore, m'interdisait d'adopter cette règle. Il n'a pas de génération spontanée en physique. Et les physiciens aiment bien que des équilibres puissent s'instaurer  dans leurs systèmes. Dans le cas du puits sans fond, le puits devient toujours plus profond. Il n'y a pas d'équilibre possible. Non, je ne le sentais pas, je ne pouvais pas proposer un tel mécanisme aux adhérents. Il était donc impératif de rembourser la dette.

 

Mais alors, comment rembourser ? Il y avait de nombreuses solutions possibles.

 

La première à la laquelle on pense, c'est de prélever un petit pourcentage à chaque échange. En fait, comme une sorte de TVA. Celui qui gagne de l'argent en rendant un service paie une sorte de taxe au SEL. Cela paraît normal au prime abord. Cependant cela allait à l'encontre de la logique du SEL. En effet dans le SELSQY, nous voulions favoriser ceux qui feraient des échanges. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions eu l'idée de distribuer des pavés aux adhérents. Or avec cette solution, nous aurions justement taxés ceux qui faisaient réellement des échanges. Au contraire nous devions taxer ceux qui n'en faisaient pas ! Mais prendre de l'argent à ceux et seulement ceux qui n'échangent pas n'est pas simple. Car il y a des adhérents qui échangent un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ! Il fallait aussi que le système de remboursement de la dette puisse être facilement applicable concrètement.

 

Et une idée simple à appliquer cela pouvait être de prendre tous les mois un petit pourcentage sur les soldes positifs.

 

C'était simple et cela allait globalement dans le bon sens. En gros, les adhérents attendaient de se trouver en positif pour échanger. Le SELSQY allait leur donner de quoi être en positif. Avec ce pécule, soit les adhérents demandent des services, ils deviennent alors débiteurs, et alors ils ne sont pas taxés, soit ils continuent à ne pas utiliser ce qu'on leur a donné, et alors on leur reprend petit à petit, puisqu'ils ne s'en servent pas. Ce système favorise donc bien l'échange car les adhérents sont incités à ne pas rester trop longtemps créditeurs. En définitive, on réinventait la taxe sur le capital, mais en la justifiant d'une manière totalement différente. Dans notre cas, nous ne cherchions pas à faire payer les riches, mais simplement à ne pas défavoriser l'échange.

 

En plus, la solution à laquelle nous étions parvenus ressemblait beaucoup au système de monnaie fondante, proposé par Silvio Gesell, dont m'avait parlé Michel Tavernier pratiquement un an auparavant. Et Silvio Gesell était arrivé à sa conclusion par des réflexions totalement différentes des nôtres. De mon point de vue, cela renforçait la pertinence de cette solution.

 

Il restait simplement un point technique à régler. Quel taux devions nous prélever par mois sur les comptes positifs ? Pas de problème. Voyons ce que disais Silvio Gesell!  Je me suis replongé dans les documents que m'avaient fournis Michel Tavernier. D'après son analyse de l'économie sur 2 millénaires, Silvio Gesell préconisait une dépréciation de la monnaie de 5 à 6 pourcents par an. Soit environ 0.5 pourcent par mois. Un calcul rapide montre que dans ce cas, la dette serait remboursée en ... 16 ans !!!

 

Non, c'est trop long !! Pour une économie nationale, rembourser des investissements lourds sur 16 ans, c'est légitime, mais dans la petite économie d'un SEL, il ne faut pas dépasser .... disons ... 3 ans. Et c'est déjà long !!

 

Ceci implique que le taux de prélèvement sur les comptes positifs doit être de ... 3% par mois !!! A ouais !! Quand-même ! Mais bon, il faut se donner les moyens de sa politique !

 

Le système était maintenant défini. Il suffisait de convaincre les adhérents pour le mettre en oeuvre.

 

Nous avons donc organisé à la mi-décembre 1996, une assemblée générale extraordinaire, dont l'objectif était de débattre du nouveau système, de manière, en cas d'accord, à le mettre en oeuvre au 1er janvier 1997.

 

Avec le conseil d'administration, j'ai donc proposé aux adhérents, dans le but de résoudre le problème de la viscosité des échanges, le système suivant  : le SELSQY distribuerait au 1er janvier 1997, 1000 pavés à chaque adhérents, et ensuite à chaque nouvel adhérent. En contrepartie, on prélèverait une "cotisation solidaire" , c'est ainsi que nous l'avons appelée, de 3% par mois sur les comptes positifs, au 1er jour de chaque mois.

 

J'avoue que je ne me rappelle plus si le débat a été difficile ou non, mais le système, j'allais dire la loi, a été votée par les adhérents, et a donc été appliquée au nouvel an 1997.

 

Alea jacta est. Début janvier 1997 chacun de la petite centaines adhérents du SELSQY a reçu son relevé de compte, avec un crédit exceptionnel de 1000 Pavés.  J'ai retenu mon souffle pendant un mois, le temps minimum pour obtenir un premier résultat.

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