révolution monétaire ... dans le SELSQY

Publié le par armand tardella

C'est au second semestre 1996 que l'observation du fonctionnement du SELSQY m'a progressivement et naturellement conduit à comprendre pourquoi et comment un système financier adéquat serait capable de piloter une économie de marché mondialisée.

 

En effet, après notre première bourse d'échange du mois de mars, le SELSQY a réellement commencé a être connu localement.  La multiplication des bourses d'échange ainsi que  l'information diffusée par les média locaux et nationaux, ont drainé de nouveaux adhérents chaque semaine et les échanges se sont multipliés.

 

Cependant la discussion au jour le jour avec les adhérents, comme la simple comptabilité mensuelle des échanges et la mise à jour des comptes "bancaires" des adhérents me donnaient un sentiment indéfinissable, une impression bizzare, un léger malaise. Oui, c'est ça : le système d'échange étaient "visqueux".  Alors que le système était sensé "libérer" les échanges, je ressentais une sorte de retenue. Il y avait un divorce entre le discours, l'enthousiasme des adhérents et les faits, rendus tangibles par la comptabilité des échanges. Il "manquait" des échanges par rapport aux besoins que j'avais perçus.

 

Bien sûr il pouvait y avoir de nombreuses raisons à cela. Les adhérents pouvaient manquer de temps pour faire des échanges, qui sont en concurrence en définitive avec le travail, les transports, la famille, la télé, etc. Ou bien ils pouvaient ne pas trouver ce dont ils avaient besoin dans le catalogue du SEL, parce que les offres cumulées de quelques dizaines d'adhérents n'étaient pas suffisamment diversifiées. Ou tout simplement parce que les adhérents recherchaient essentiellement des rencontres et du lien social, et non des échanges économiques.

 

Aussi à l'approche de la date de notre première assemblée générale, ne seraient que pour faire le bilan d'une année de fonctionnement en bon président d'association, j'ai interrogé de manière informelle les adhérents pour comprendre pourquoi il y avait moins d'échanges que ce que j'attendais.

 

La réponse était claire. Malgré toutes nos explications, toutes nos incitations, la belle pédagogie que nous avions mise au point, l'exemple que les membres du conseil d'administration avaient donné, les adhérents ne réussissaient pas à échanger si leur "compte en banque" était négatif, voire simplement trop faiblement positif. La culture bancaire était vraiment trop forte.  Une sorte de peur refoulée et irrationnelle des agios, de l'interdiction de chéquier, ou plus sérieusement celle ne ne pas être capable de rembourser une dette freinait inexorablement les échanges. Ils voudraient bien, mais ne pouvaient point !! Les adhérents.

 

Que faire face à un comportement aussi économiquement irrationnel, un  tel blocage psychologique ?

 

Je me creusai donc les méninges, j'en discutai autour de moi, mais je ne voyais qu'une seule solution ... complètement ridicule : donner suffisamment d'argent aux adhérents pour qu'ils soient en positif !!

 

Je retournai donc interroger les adhérents pour tester cette idée.

- Et si le SEL vous donnait de l'argent, en monnaie locale, de manière à ce que vous ayez de quoi échanger ?

- Ah oui, là pas de problèmes, on pourrait demander des services !

- mais c'est idiot, vous pouvez de toute façon le faire, puisque vous avez le droit d'être débiteur, et qu'il n'y pas d'agios !

- Oui, mais c'est pas pareil, là on aurait l'impression d'avoir de l'argent.

 

Bon d'accord, d'accord. Il fallait se rendre à l'évidence, la mauvaise idée était peut-être bonne.

Mais combien fallait-il distribuer ?

Eh bien, suffisamment pour avoir de quoi échanger quelques biens et services. 100 pavés ? (15 euros, car un pavé valait un francs). Non, on ne fait plus rien aujourd'hui avec 100 pavés !  10000 pavés ? Non, non, c'est beaucoup trop. C'est dispropotionné par rapport aux capacités de production des adhérents. Alors 1000 pavés, cela paraît raisonnable.

 

Mais d'où viendrait cet argent ? Car la somme des comptes devaient rester nulle. En tant que physicien de formation, il me fallait respecter cette équation bilan. Rien ne se perd, rien ne se crée. Si les adhérents devaient recevoir des pavés (sur leur comptes !!!) il fallait bien que quelqu'un les fournissent.

Facile !! Ce serait le SEL lui-même. Le SEL avait en effet aussi un compte, ne serait-ce que pour recevoir les cotisations des adhérents en pavés, et comme pour  les adhérents son compte pouvait être en négatif. Le SEL, association de tous les adhérents, pouvait donc distribuer 1000 pavés à chaque adhérent.

 

Si l'on considère le SELSQY comme un micro-Etat, il s'agissait simplement de créer un déficit budgétaire pour injecter de la monnaie dans le réseau d'adhérents et ainsi relancer la consommation. C'est une relance keynésienne à l'échelle du SELSQY. Jusqu'ici, rien de très nouveau sous le soleil.

 

Mais deux autres questions apparaissaient alors instantanément : faut-il rembourser, et si oui, comment ?

 

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