Premier marché en monnaie locale

La seconde idée de la "commission communication" avait été de créer un évènement et de l'annoncer dans les journaux locaux. Et un évènement naturel, caractéristique pour un SEL, c'était un marché où tout s'échangerait avec de la monnaie locale, le Pavé.

L'idée était simple. Comme nous étions 30 adhérents à l'époque, nous pouvions échanger déjà beaucoup de choses. Il s'agissait ainsi de trouver une date et un lieu où les adhérents pourraient apporter les objets qu'ils souhaitaient échanger, et des pancartes pour présenter les services qu'ils pouvaient rendre. C'est une réinvention de la place du marché. Ou bien une sorte de brocante en monnaie locale. Les adhérents pourraient en faire le tour pour voir ce que les autres avaient à échanger. Ils pouvaient aussi simplement se rencontrer. Cela pouvait être un lieu d'échanges matériels ou intellectuels.  Mais c'était aussi l'occasion d'y inviter des non-adhérents, de manière à ce qu'ils voient et comprennent le fonctionnement du SEL, et ce qu'il pouvait leur apporter. A la limite, les non-adhérents qui viendraient pourraient adhérer sur place, et participer immédiatement aux échanges. C'était une sorte de journée porte ouverte du SEL. Enfin, puisqu'on y était, c'était l'occasion de faire la fête, organiser un repas collectif et terminer la soirée en dansant.

En fait, contrairement à la feuille d'échange, ce n'est pas nous qui avons inventé ce type d'évènement. Le SEL d'Ariège, et les autres SEL français de l'époque avaient déjà organisé des BLE : les Bourses Locales d'Echange. D'ailleurs, les LETS anglais en faisait déjà avant eux. Les BLE faisait partie de la panoplie d'action des SEL. Nous nous sommes simplement appropriés cette idée et nous l'avons adaptée à notre réalité locale.

La machine monétaire du SEL s'est donc remise en route pour cette action-là.

Il fallait une salle pour y implanter le marché. Un lieu couvert de préférence pour palier à l'éventualité de mauvais temps. En tant qu'association déclarée, nous avions la possibilité d'emprunter une salle municipale. Et, comme organisateurs d'évènements, nous avions la possibilité de faire annoncer l'évènement dans les média locaux. De plus, il fallait organiser la journée en elle-même : les activités, les repas, les réjouissances. Nous avions la salle pour la journée, autant l'utiliser au maximum. Enfin, il fallait préparer des "kit d'adhésion", au cas où nous aurions eu des adhésions sur place.

Le kit d'adhésion comprenait :

- une présentation du SEL : c'était en fait le tract que nous avions rédigé précédemment et qui ne nous avait apporté quasiment aucun adhérent.

- le bulletin d'adhésion, comprenant le formulaire d'offres et de demandes.

- le catalogue d'offre et de demande à jour, pour que les éventuels nouveaux adhérents puissent échanger immédiatement.

- une feuille d'échange vierge, l'homologue du carnet de chèque , à envoyer chaque mois au SEL pour qu'on puisse faire les comptes, et à photocopier pour les mois suivants

- les conseils pour réussir ses premiers échanges. En gros tout ce qu'un nouvel adhérent aurait aimé savoir, sans oser le demander,

- et les statuts de l'association.

Si, si, c'était du vrai boulot pro de banquier alternatif !!

Le SEL a donc créé la monnaie nécessaire pour rémunérer en Pavés les adhérents qui ont pris en charge l'organisation de cette journée.

Le jour venu, un weekend de mars 1996, nous avons installé les tables à 10h. Les adhérents sont progressivement arrivés, ont disposé leur étalage dans la matinée et ont commencé à échanger.

Puis d'autres personnes sont arrivées pour se renseigner, discuter, voir fonctionner le SEL.

Les média locaux avaient bien fait leur travail et annoncé cette action, qui apparaissait comme une nouveauté. Avec un petit air de défi et de remise en cause du système en place. Ils aiment bien cela. Ils avaient en définitive drainé  beaucoup de monde. Nos kits d'adhésion n'ont pas suffit. Nous avons été obligés d'en reproduire à la hâte au cours de la journée pour satisfaire la demande !!

Nous avons eu une trentaine d'adhésions. Nous avons donc doublé le nombre de nos adhérents dans la journée.

De plus, les média sont venus aussi pour couvrir l'évènement. Beau succès !!

Puis vers 19h, nous avons commencé à ranger nos étalages, pour sortir les bouteilles, le pain, le fromage,  le saucisson, aisni que les plats que nous avions cuisinés et que nous voulions partager ensemble.

Et nous avons fait la fête.

Cette journée avait été une réussite. Grâce aux adhérents, et ... aux média.